Pourquoi parrainer un Puits de carbone ?

Par Frédéric Dietrich – 04/11/2024.

On ne compte plus les protecteurs du Vivant qui œuvrent anonymement au renforcement de la Biodiversité, cette Biodiversité qui séquestre directement ou indirectement le carbone atmosphérique et que l’on appelle également les Puits de carbone organiques.  Pourtant, alors qu’ils protègent jour après jour la Vie, ces bienfaiteurs ne sont pas soutenus financièrement.  De leur côté, les entreprises ont un besoin qui vise à démontrer leurs actions en faveur de la protection de l’environnement et du climat par la politique de Responsabilité Sociale en Entreprise (RSE).  

Émerge alors l’idée qui consisterait à faire parrainer un Puits de carbone par une entreprise.  Rien de nouveau en soi : les entreprises sponsorisent depuis longtemps des sportifs, alors pourquoi pas des Puits de carbone ?  

Dans ce projet, tous les acteurs s’y retrouvent.  Sous conditions d’obligation de protection, le titulaire du Puits de carbone est rémunéré pour les services écosystémiques générés, notamment la captation de CO2 par la Vie qui atténue les effets des changements climatiques.  Quant à l’entreprise parraine, elle tire un regain de notoriété par une innovation juridique et marketing sans précédent.

Parrainage des Puits de carbone

Faire rémunérer les protecteurs du Vivant au bénéfice des générations présentes et futures

On pourrait l’appeler le Vivant, la Biodiversité ou encore les Puits de carbone organiques ; la Nature est un véritable trésor qui nous a été confié et dont nous sommes responsables.  Malheureusement, ce trésor se réduit en peau de chagrin.  Loin de nous l’idée de verser dans un catastrophisme indécent, mais il convient de préciser que près de 69 % des espèces sauvages auraient déjà disparu en 50 ans (McRae L. et al., 2017).  Heureusement pour nous, des petites mains bienveillantes contribuent au renforcement, au soin et à la protection des Puits de carbone sans le crier sur les toits. Affirmons-le : en protégeant un Puits de carbone, nous marions l’atténuation des effets des changements climatiques à la protection de la Biodiversité.  Une pierre, deux coups.

Pourtant, ces bienfaiteurs ne sont pas gratifiés pour leurs efforts vertueux qu’ils prodiguent à la Vie et au climat.  En effet, alors qu’ils offrent la possibilité aux générations présentes et futures à pouvoir vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé (art. 1, Charte de l’env. 2004), ces héros anonymes sont les « laissés-pour-compte » d’une valorisation économique.  Ne serait-il pas temps de rétribuer ces personnes ?

Pour cette raison est née l’idée selon laquelle il conviendrait de faire rémunérer les protecteurs du Vivant pour leurs efforts méritants envers l’environnement.  Reste à déterminer le moyen d’y parvenir…  En ce sens, le choix s’est porté sur le parrainage des Puits de carbone organiques.

Les bénéfices en retour que tirent les entreprises au parrainage d’un Puits de carbone

Pour expliquer le sens de ce projet, il nous a fallu trouver des analogies connues dans la société civile.  Ainsi, de la même manière qu’une entreprise sponsorise un sportif, elle peut également parrainer un Puits de carbone.    Les bénéfices qu’aurait une entreprise à parrainer un sportif ou un Puits de carbone sont tout autant les mêmes : tirer un regain de notoriété en matière d’image.  Cependant, les avantages à parrainer un Puits de carbone ne s’arrêtent pas là.

Les récentes évolutions du droit imposent aux entreprises – notamment cotées – de démontrer leur implication dans la lutte climatique et dans la lutte contre l’érosion de la Biodiversité (Blin-Franchomme, 2017).  En parrainant un Puits de carbone, une entreprise marie ces deux luttes, ce qui ne manquera pas de valoriser sa gouvernance en termes de Responsabilité Sociale en Entreprise (RSE).  En effet, les développements récents du droit imposent aux entreprises la transparence de leur politique RSE par une déclaration de performance nommée le « reporting extra-financier » (art. L. 225-102- 1, Code de commerce).  Ce document se doit de respecter les normes communautaires relevant des critères liés à l’Environnement, à la Société et à la Gouvernance (ESG).  Ces critères forment d’ailleurs la structuration du reporting (Règlement (UE) 2020/852).  Solidement installés, les Puits de carbone font partie des objectifs environnementaux qu’il convient de respecter (art. 9).  À toutes fins utiles, CarbonLife propose un dispositif visant à intégrer la valorisation du parrainage dans le reporting extra-financier de l’entreprise.

En résumé, une entreprise qui parrainerait un Puits de carbone organique conjuguerait un regain de notoriété de son image à sa politique RSE.  Cet acte vertueux est de nature à rassurer les actionnaires et courtiers qui maintiendront ou reporteront leurs portefeuilles sur son titre.  In fine, le parrainage d’un Puits de carbone confère à l’entreprise l’appréciation de son titre.

Parrainer un Puits de carbone, un cercle vertueux soutenu par le contrat environnemental

Le parrainage des Puits de carbone relève d’un cercle vertueux apte à promouvoir l’économie circulaire (COM (2019) 640 final du 11 décembre 2019, Le pacte vert pour l’Europe), où chaque Partie prenante trouve son compte.

Le titulaire du Puits de carbone se voit enfin rémunérer pour les actions menées en faveur de l’environnement comme en faveur des générations présentes et futures.

En plus de bénéficier d’avantages substantiels en matière de notoriété, l’entreprise parraine agrémente sa politique RSE de telle sorte que son titre puisse s’apprécier.

Quant à l’intermédiaire, il atteint l’objet poursuivi à savoir la valorisation et la protection des Puits de carbone.

Sur le fond, le parrainage des Puits de carbone est rendu possible par le contrat environnemental (Hautereau-Boutonnet M., 2015).  En l’espèce, il s’agit d’un contrat dont l’objet est l’environnement et que l’on nomme : Paiement pour Service Écosystémique (Lau W.W., 2013).  Ce type de contrat est éprouvé de par le monde, en France naturellement, mais aussi à Madagascar, au Viêtnam et même en Thaïlande (Thompson B.S., 2019).

Pour faire simple, sous couvert d’obligations de protection des éléments et fonctions des écosystèmes, le titulaire du Puits de carbone est en mesure d’être rémunéré pour les bénéfices individuels et collectifs que tire l’homme de l’environnement (art. 1247, Code civil) appelés services écosystémiques (art. L. 110-1-I, Code de l’env.) ou encore services écologiques (Vanuxem S, 2017).  On compte 4 types de services écosystémiques, dont celui relevant de la régulation du climat par la captation, directe ou indirecte, de CO2 atmosphérique (MEA, 2005).  Exprimée en Teq/CO2, la masse de CO2 absorbée par le processus et stockée dans le réservoir du Puits de carbone sert de base quantitative au service écosystémique de régulation du climat (Torre-Schaub M., et al., 2022).  À cette valeur s’adjoint le prix de la Teq/CO2 comprise entre 1.000 et 2.400 euros, ce qui fonde la valeur numéraire du contrat.

Un Puits de carbone parrainé par le contrat PSE est alors doublement protégé.  D’une part via les obligations qui incombent à son titulaire, et d’autre part en cas de dommages par un tiers en considération de la réparation du préjudice écologique (art. 1246 et suivants., Code civil).

Ainsi, outre sa capacité à satisfaire l’intégralité des Parties prenantes et acteurs, le contrat de parrainage Paiement pour Service Écosystémique valorise et protège les Puits de carbone et plus généralement la possibilité – pour les générations présentes et futures – à vivre sereinement dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (art. 1, Charte de l’env. 2004).

Schéma

Références

BLIN-FRANCHOMME M.-P., « Quel rôle pour l’entreprise après l’Accord de Paris ? », Revue juridique de l’environnement, no H.S. 17, Lavoisier, 2017, p. 119‑33.

DIETRICH F., Entrée « Puits de carbone » ; in TORRE-SCHAUB M., JÉZÉQUEL A., LORMETEAU B. et MICHELOT A., Dictionnaire Juridique du Changement Climatique, Mare & Martin, coll. « Collection de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne », vol. 69, 2022, p. 459-460.

HAUTEREAU-BOUTONNET M., Le contrat et l’environnement – Étude en droit comparé, Bruylant, coll. « Droit(s) et développement durable », 2015.

LAU W.W., « Beyond carbon: conceptualizing payments for ecosystem services in blue forests on carbon and other marine and coastal ecosystem services », Ocean & Coastal Management, 83, Elsevier, 2013, p. 5‑14.

MCRAE L., DEINET S. et FREEMAN R., « The diversity-weighted living planet index : controlling for taxonomic bias in a global biodiversity indicator », Plos one, 12, no 1, Public Library of Science San Francisco, CA USA, 2017, p. 20.

MILLENNIUM ECOSYSTEM ASSESSMENT, « Ecosystems and Human Well-being: Opportunities and Challenges for Business and Industry », Washington, World Resources Institute, 2005, p. 137.

THOMPSON B.S., « Payments for ecosystem services and corporate social responsibility: Perspectives on sustainable production, stakeholder relations, and philanthropy in Thailand », Business Strategy and the Environment, 28, no 4, mai 2019, p. 497‑511.

VANUXEM S., « Les services écologiques ou le renouveau de la catégorie civiliste de fruits ? », McGill Law Journal, 62, no 3, 2017, p. 739‑76.