Les « valeurs » ou « fonctions écologiques » des puits de carbone

L’Océan, la Forêt, le Sol et la Biodiversité sont des puits à « valeur écologique ».  Ils dépassent le seul service de régulation du climat.  En effet, ils possèdent trois autres services relevant du « patrimoine commun », indispensable à la vie et à la survie des générations présentes et futures. 

Les valeurs écologiques de puits de carbone

§1 – Une distinction entre les puits de carbone

On distingue deux types de puits de carbone. Les premiers se cantonnent aux seuls services de régulation du climat par la captation et séquestration de carbone : les puits artificiels. Les seconds sont les puits dits à « valeurs ou à fonctions écologiques » ; ils surpassent alors le simple service de régulation : les puits naturels et certains puits anthropiques.

Dans le cadre de la lutte contre les dérèglements climatiques, tous les puits opèrent un service d’absorption de carbone atmosphérique.  Cependant, une distinction fondamentale est à faire entre les puits à « valeurs écologiques », et les puits sans autre valeur écologique que la seule régulation climatique.  Cette distinction se traduit par l’intervention de la Vie dans le processus de captation.  D’une part, il y a les puits strictement artificiels suspendus à l’intervention humaine, réalisant la captation de carbone sans intervention de la Vie.  Il y a, d’autre part, les puits naturels voire anthropiques à « valeurs écologiques » où la Vie est aux manettes pour permettre le processus de séquestration du carbone atmosphérique.

§2 – Les 4 valeurs écologiques des puits de carbone

Les puits de carbone à valeurs écologiques possèdent plusieurs « fonctions écologiques ».  En plus du service de régulation du climat, ils revêtent aussi des services : de support ou de soutien (qui assurent le bon fonctionnement de la biosphère), culturels et sociaux (relatifs aux bénéfices non matériels) et d’approvisionnement (relatifs à l’obtention de biens matériels). Ce sont “les fonctions et services écosystémiques”.

Les concepts à « valeurs écologiques » sont d’abord d’origine scientifique, ils se nomment « fonctions et services écosystémiques [1]» (Millennium Ecosystem Assessment, 2005).  Comme l’histoire du droit de l’environnement le démontre, une traduction juridique de ces concepts scientifiques s’est réalisée[2] en droit européen, puis en droit français (Directive 2004/35 ; Loi Biodiversité 2016/1087).  D’ailleurs, ces concepts mettent en avant une manière d’appréhender la Vie dans l’environnement.  Si les Entités environnementales étaient définies comme des Êtres (avec une personnalité juridique), il y aurait d’abord l’Être (L’Océan, la Forêt, le Sol et la Biodiversité) et ensuite la manifestation de l’Être avec ses 4 services à valeurs écologiques.

§3 – La lutte contre les dérèglements climatiques associée à la protection de la biodiversité

Tous les puits opèrent un service de régulation du climat par l’absorption de carbone.  Cependant, les puits à valeurs écologiques dépassent le seul service de régulation du climat.  Nous entrons alors dans un point de basculement idéologique. Ancien monde contre nouveau monde, ou l’avènement de la systémisation en remplacement d’une vision trop sectorisée.

Quels que soient les puits, ils œuvrent tous à la lutte contre les dérèglements climatiques.  Néanmoins, ils ne possèdent pas tous les mêmes valeurs écologiques selon qu’ils endossent ou non les concepts de fonctions et services écosystémiques.  Ce faisant, les puits à « valeurs écologiques » fortifient les cohésions sociales et environnementales de tous les Êtres vivants conformément au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (art. 1, Charte de l’environnement 2004).  De sorte que chacun des services – de support ou de soutien, culturels et sociaux, d’approvisionnement et de régulation du climat – soit interdépendant de ses homologues du fait de boucles de rétroaction positive.  Exit la sectorisation pour la consécration de la systémisation ?

§4 – Un patrimoine commun indispensable à l’intérêt intergénérationnel

Les puits de carbone à « valeurs écologiques » comme l’Océan, la Forêt, le Sol dont la Biodiversité sont un patrimoine commun de l’humanité.  Reconnue d’intérêt général, la bonne santé des puits mène de fait à la préservation des équilibres écologiques et du climat dans une perspective d’équité intergénérationnelle.

L’Océan, la Forêt, le Sol et la Biodiversité appartiennent au patrimoine commun du fait de leurs fonctions écologiques ou « valeurs écologiques » reconnues d’intérêt général (art. L. 110-1-I et II, Code de l’env.).   Ainsi, elles ont un statut juridique propre qui impose une protection spécifique destinée à préserver la nature et les équilibres écologiques.  Ces équilibres sont alors indispensables à l’épanouissement des générations présentes et futures (Consid. 7, Charte de l’environnement 2004).  Les enjeux sont donc immenses sur le plan de la gouvernance[3] pour une bonne gestion des puits qui dépasse en conséquence le principe de souveraineté des États : un socle du droit international.

Références

[1] Doussan I., « Les services écologiques : un nouveau concept pour le droit de l’environnement ? », in La responsabilité environnementale, prévention, imputation et réparation, sous la directive de Ch. CANS, Dalloz, Thèmes et commentaires, Actes, 2009.

[2] Naim-Gesbert E., Les dimensions scientifiques du droit de l’environnement. Contribution à l’étude des rapports de la science et du droit, Bruylant – VUBPRESS, 1999.

[3] Dardot P., Laval Ch., Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La découverte, 2014.

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